Primes manifestement exagérées : attention à l’utilité des contrats d’assurance-vie (Cass.civ.1, 16/12/2020)
Dernière mise à jour le 20 janvier 2021
Des versements sur plusieurs contrats d’assurance-vie ont été qualifiés de manifestement exagérés à défaut d’un projet d’utilisation de l’épargne.
1.Ce qu’il faut retenir
En présence de primes manifestement exagérées, celles-ci sont requalifiées en donation et réintégrées dans l’actif de succession.
C. ass. L.132-13, al.2
A l’approche de ses 70 ans, un veuf a souscrit plusieurs contrats d’assurance-vie, avec des versements conséquents, au seul bénéfice de sa fille (écartant ainsi les représentants son fils prédécédé).
Les juges ont considéré qu’il n’avait pas besoin de cette épargne pour financer son train de vie. L’absence d’utilité du contrat d’assurance-vie pour le souscripteur a entraîné la qualification de primes manifestement exagérées.
Cass.civ.1, 16 décembre 2020, n°19-17.517
Remarque
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2.Conséquences pratiques – Avis Fidroit
L’absence de projet d’utilisation des fonds constitue le point central de la décision.
Avis Fidroit :
Il est conseillé de discuter de la finalité de l’épargne de l’assurance-vie en amont de la souscription et de la mentionner dans les études patrimoniales.
Exemples : financement d’un projet, réinvestissement, protection du conjoint ou des enfants, etc.
En l’espèce, le fait d’évoquer un possible remploi des sommes compte tenu du délai entre la souscription et le décès du souscripteur (plus de 10 ans) aurait probablement permis d’écarter la qualification retenue.
Rappel :
Le caractère exagéré des primes n’a pas de définition légale. Les juges s’attachent à un critère quantitatif (importance des primes versées par rapport au patrimoine) et un critère qualitatif (utilité des opérations à la date de chacun des versements effectués) au regard de l’âge du souscripteur, son train de vie ou encore sa situation familiale.
L’utilité du versement est un point régulièrement présent dans les décisions sous l’angle des versements excessifs eu égard aux facultés du souscripteur. La Cour de cassation a affirmé le cumul de l’utilité et de la disproportion :
Cass.civ.2, 17 septembre 2009, n°08-17.040
Cass.civ.1, 19 mars 2014, n°13-12.076
Certaines décisions antérieures, faisant échos à la situation présente, semble montrer que la Haute juridiction a adopté une position inhabituelle :
- L’atteinte à la réserve ou un dépassement de la quotité disponible n’est pas un critère recevable pour attribuer aux primes versées le caractère de « primes manifestement exagérées »
Cass. civ.1, 6 juill. 2016, n° 15-21.643
RM Malhuret, JO Sénat, 18 juin 2020, n°15361
- Le fait de privilégier certains enfants, au détriment d’autres, en les désignant comme bénéficiaires des contrats d’assurance vie ne constitue pas un critère d’appréciation du caractère exagéré des primes.
CA Metz, 1er fév. 2018, n° 16/037311
CA Paris, 21 mars 2018, n° 16/15303
Toute la difficulté pour les plaignants consiste à démontrer l’inutilité du contrat. En effet, « un contrat d’assurance-vie représente un placement sûr et rentable, qui permet des remboursements partiels avant son terme, et a une utilité certaine« .
CA Paris, 21 mars 2018, n° 16/15303
La sévérité des juges donne l’impression qu’ils ont cherché un moyen de ne pas accepter ces contrats d’assurance-vie.
La situation d’espèce ne présentait pas d’abus flagrant. Le souscripteur étant décédé plus de 10 ans après l’ouverture des contrats, il avait la possibilité d’effectuer des rachats sur une période assez longue et donner ainsi une utilité à ses contrats.
3.Pour aller plus loin – Faits et procédure
Un veuf disposant d’une retraite confortable a souscrit de nombreux contrats d’assurance-vie peu avant ses 70 ans, tous au bénéfice exclusif de sa fille. Le total des versements correspond à plus de 60% de l’actif successoral.
Il décède plus de 10 ans après la souscription de ces contrats laissant comme héritiers sa fille et ses petits-enfants venant en représentation de son fils prédécédé.
Les petits-enfants saisissent la justice en demandant le partage de succession.
La cour d’appel a qualifié les primes de manifestement exagérées et demandé à ce que les capitaux décès soient réintégrés dans la succession du souscripteur (Douai, 28 février 2019).
Les juges ont considérés que les contrats n’avaient pas pour but de financer une maison de retraite, et ont relevé l’absence d’intérêt personnel ou économique.
Chaque partie forme un pourvoi en cassation suite à cette décision.
La Cour de cassation confirme la qualification de primes manifestement exagérées.
Toutefois, elle casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel au motif que seul le montant des versements peut être rapporté à la succession.
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